L’ISO 9001 et les « preuves objectives » : une grande illusion ?

Temps de lecture : 3-4 min

La validation d’un système de management de la qualité fondé sur la norme ISO 9001 passe par le fait que l’entreprise puisse démontrer à ses clients (et aux parties intéressées qui seraient habilitées à faire cette demande), ainsi qu’aux auditeurs par tierce partie, la réalité de l’efficacité et de l’efficience de la démarche. Et pourtant…

Que nous disent les normes ?

Relevons d’abord le sixième des sept principes de management de la qualité, énoncé dans l’introduction de la norme ISO 9001:2015 : « Prise de décision fondée sur des preuves ». Il peut paraître surprenant que nous ne retrouvions pas l’emploi du terme « preuve » (sauf dans le paragraphe 8.6, « Libération des produits et services ») avant les dernières pages de la norme, aux paragraphes « Audit interne » (9.2), « Revue de direction » (9.3) puis « Amélioration » (10). Sur ces trois derniers points, l’exigence est d’ailleurs commune : « L’organisme doit conserver des informations documentées comme preuve […]. »

Il est également intéressant de relever que la norme de vocabulaire ISO 9001 parle de « preuves objectives » : « données démontrant l’existence ou la véracité de quelque chose ». Lesdites données étant des « éléments factuels concernant un objet »

Eh bien, je vous propose de sortir un peu de ce cadre qui reste tout de même en pratique légèrement flou…

Du virtuel au réel, quelles preuves fournir ?

Il s’agit de rester modeste. Un auditeur peut-il sincèrement penser que l’on va toujours pouvoir lui fournir des preuves matérielles indiscutables ? Dans certains contextes, oui, cela sera possible. Par exemple, en production industrielle ou en contrôle des instruments de métrologie… En revanche, en matière commerciale, nous recueillerons plutôt des présomptions que des preuves : résultats d’études de marché, résultats d’enquêtes de satisfaction, etc. D’ailleurs, d’une manière générale, est-il réellement possible de montrer que toutes les prises de décisions s’appuient bien sur des « preuves objectives » ? Bien évidemment, non !

Alors, les auteurs de la norme auraient-ils fait fausse route ? Pas forcément ! La norme ISO 9001 a été conçue comme un cadre général qui laisse une large part à une adaptation aux réalités rencontrées.

Lorsque la situation s’y prête (ou l’exige), alors oui, nous aurons des preuves indiscutables à fournir. Dans les autres cas, la preuve consistera plutôt à démontrer la diligence avec laquelle nous avons cherché à montrer le respect d’une obligation. Par exemple, nous pourrons montrer comment nous avons procédé pour fiabiliser au maximum une mesure de satisfaction client. Alors, « preuve » ou plutôt « présomption » ? Ce n’est probablement pas le vrai débat…

Preuve de la qualité : et si le fond était bien plus important que la forme ?

En réalité, la dernière version de la norme ISO 9001 nous pousse à développer un véritable « esprit qualité » et non plus à nous focaliser excessivement sur des apparences de conformité. Si j’étais auditeur, voici la question essentielle que je poserais : « Au-delà de vos supports documentaires et de vos enregistrements, estimez-vous que la culture réelle, profonde et sincère de la qualité et de l’amélioration continue est bien présente à tous les étages et chez tous vos collaborateurs ? Comment faites-vous pour progresser concrètement dans cette voie-là ? Allons maintenant, si vous le voulez bien, le vérifier concrètement sur le terrain, notamment auprès des collaborateurs et des opérateurs du quotidien… »

Jean-Marc Gandy, consultant-formateur-auteur

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    • Christophe SIKORA
      Christophe SIKORA

      Bonjour Jean-Marc,

      Je suis tout à fait en phase avec votre conclusion : vérifier l'appropriation de la démarche qualité au niveau des acteurs terrain se révèle instructif lors d'un audit. Je réalise ponctuellement des audits fournisseurs, et je demande systématiquement à rencontrer des techniciens. Cela me permet de vérifier leur niveau d'appropriation du Système de Management mis en place par leur Direction, avec parfois des constats de décalages assez surprenants.

      • Jeanpierre RIGAUD
        Jeanpierre RIGAUD

        Egalement en phase avec cet article. Ne parlons nous pas d'esprit de la norme ? Il est bien exact que la preuve objective, "la" physique, celle qui  ne souffre d'aucun débat, n'est pas toujours évidente à relever et il faut parfois mettre le bon sens en action. Les besoins de preuves sont bien souvent induites par la nécessité de traçabilité, de retour d'expérience ou de besoin de communication interne et externe.

        De plus, n'oublions pas que, surtout dans l'industrie, le but d'une société n'est pas de faire du papier mais de produire un produit ou un service.

        Peut-être me trompe-je.

        • Jean-Marc GANDY
          Jean-Marc GANDY

          "De plus, n'oublions pas que, surtout dans l'industrie, le but d'une société n'est pas de faire du papier mais de produire un produit ou un service." Tout à fait d'accord avec Jean-Pierre. Hélas, combien d'entreprises se perdent encore aujourd'hui dans des formes paralysante de "bureaucratie qualité"...