I comme infructuosité et J comme jugement des offres

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I comme infructuosité

L’infructuosité désigne la situation dans laquelle une procédure de passation de marché public ne peut aboutir à la conclusion d’un marché, faute d’offres recevables ou satisfaisantes.

 

Concrètement, une procédure est déclarée infructueuse lorsque :

  • aucune offre n’a été remise,

  • toutes les offres sont irrecevables (par exemple, non conformes aux exigences formelles ou techniques du dossier de consultation),

  • aucune offre n’est jugée économiquement acceptable.

 

L’infructuosité peut avoir des conséquences significatives pour l’acheteur public :

  • retards dans la réalisation des projets,

  • besoins à revoir,

  • budgets à réévaluer.

 

L’infructuosité n’est pas une fatalité : elle peut être une opportunité de repenser un projet d’achat et d’améliorer la stratégie achats, à condition d’en faire un véritable retour d’expérience (RETEX).

 

Points d’attention et de vigilance :

Toute décision d’infructuosité doit être motivée et respecter les principes fondamentaux de la commande publique.

Prérequis :

  • une bonne définition du besoin,
  • une analyse approfondie du marché fournisseurs via une phase de sourcing (état des offres disponibles sur le marché, contraintes techniques des opérateurs économiques, capacités de ces mêmes entreprises).

Attention : des exigences disproportionnées ou trop contraignantes dans le cahier des charges peuvent dissuader les soumissionnaires potentiels

 

La phase de publicité et de mise en concurrence doit être réfléchie pour rendre le dossier suffisamment attractif :

  • délais suffisants,

  • clarté des documents,

  • réactivité et qualité des réponses aux questions des entreprises pendant la consultation,

  • éviter les consultations lancées la veille du 14 juilletpour une réponse mi-août…

Enfin, en cas d’infructuosité, il convient d’adopter une démarche d’analyse a posteriori.

Comprendre pourquoi la consultation a-t-elle échoué ? Que faut-il faire ?

  • Adapter le calendrier ?

  • Assouplir certains critères techniques ?

  • Redéfinir le besoin ?

  • Revoir le budget ? ...

 

La relance de la procédure devra intégrer ces enseignements pour maximiser les chances de succès.

 

 

 

J comme jugement des offres

 

Étape clé du processus d’achats publics qui consiste à analyser et classer les offres reçues (proposition des candidats) afin d’identifier celle qui est économiquement la plus avantageuse, conformément aux critères fixés dans les documents de consultation (RC ou Règlement de Consultation).

Également appelée « analyse et classement des offres » ou « évaluation des offres ».

 

Cette phase intervient après la réception (et l’ouverture des plis) et conduit à un rapport d’analyse des offres (RAO) avant attribution du marché public.

 

Le jugement des offres se déroule en deux grandes phases :

  • la vérification de la conformité des offres au dossier de consultation (examen des offres irrégulières, inacceptables ou inappropriées),

  • l’évaluation des offres restantes sur la base des critères d’attribution préalablement annoncés dans le règlement de consultation.

Le choix doit être objectivé et pouvoir être justifié en cas de contrôle ou de contentieux.

Une fois le classement établi, l’acheteur attribue le marché au candidat dont l’offre répond le mieux aux critères et à la stratégie d’achat définis.

 

Points d’attention et de vigilance :

 

  • Vérifier la conformité avant l’évaluation détaillée
    Écarter les offres irrégulières ou inacceptables avant de passer à l’analyse des critères qualitatifs.

  • Respecter scrupuleusement les critères d’attribution annoncés
    Les critères de sélection et leur pondération doivent être fixés à l’avance et ne peuvent être modifiés après l’ouverture des offres.
    Toute offre doit être évaluée strictement selon ces critères, sans favoritisme ni subjectivité. Aucun critère supplémentaire ne peut être ajouté après la publication du dossier de consultation.

  • Détecter les éventuelles offres anormalement basses (OAB)Examiner les prix manifestement sous-évalués pour éviter les risques de non-exécution du marché. Demander des justifications au soumissionnaire et exclure l’offre si les explications sont insuffisantes.

  • Motiver et formaliser chaque décision (traçabilité des décisions)
    L’analyse doit être traçable (calculs, grille d’évaluation/notation claire), notamment pour pouvoir expliquer le rejet d’une offre ou défendre un choix en cas de recours.
     Conserver les preuves de l’impartialité du processus d’évaluation, documenter chaque étape.

  • Garantir l’égalité de traitement
    Il est interdit de modifier les conditions d’analyse pour favoriser ou défavoriser un candidat.

  • Prévoir une méthodologie d’analyse claire
    Établir une grille d’analyse détaillée avant l’évaluation permet d’assurer cohérence et objectivité.

  • Analyser les offres en équipeAssocier plusieurs expertises (technique, juridique, financière…) favorise une décision équilibrée.

  • Anticiper les éventuels recoursUne bonne traçabilité et une argumentation solide renforcent la sécurité juridique de la procédure. En veillant au respect des règles et en appliquant une grille d’analyse transparente, les acheteurs publics minimisent les risques contentieux et optimisent leurs choix pour satisfaire l’intérêt général.

 

Vincent Dagnas, consultant formateur achats

Retrouvez lensemble des contenus du rendez-vous éditorial : « Abécédaire des achats : back to basics »

 

 

    • Jean-Marc GANDY
      Jean-Marc GANDY

      Article très complet et clair de Vincent.

      Je relève en particulier cette alerte "Attention : des exigences disproportionnées ou trop contraignantes dans le cahier des charges peuvent dissuader des soumissionnaires potentiels..." 

      En effet je constate chez mes clients PME de plus en plus de refus de "perdre du temps" à répondre à des appels d'offre de marchés publics. Je les comprends d'autant mieux que, personnellement je ne réponds plus à aucun de ces appels d'offre. Pourtant il m'arrive maintenant d'être relancé, notamment par des organismes parapublics qui doivent manquer de retours spontanés, pour savoir si j'accepterais d'envoyer ma proposition…

      Plus profondément, je pense que le système actuel d'appel d'offre (malgré les "beaux discours") est sans cesse plus complexe et présente sans cesse plus d'exigences. Ce qui aboutit souvent à une absence de vraie mise en concurrence. En effet, les PME et TPE ont de moins en moins les moyens et l'envie de jouer le jeu. Ce qui va à l'encontre des buts recherchés de saine concurrence, d'ouverture des marchés publics au PME et TPE. Paradoxe ?